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L'homme de Kaboul
14 mars 2011

Taliban de la littérature

Par Majunon

Il existe un pays riche de promesses : dans son sous-sol, des ressources abondantes et précieuses que le temps n’a pas épuisées ; dans ses villes, dans ses campagnes, une population éclectique qui fait entendre et cohabiter la voix de la tradition et celle de la modernité. Ce pays regorge d’attraits et c’est ce qui le rend fragile : il attire les convoitises. Menacé par ceux, à l’extérieur, qui rêvent de détruire son identité pour le contrôler complètement, il est aussi gangréné de l’intérieur par les trahisons de ceux qui ne croient plus en lui. Dans son ciel plane une menace à plusieurs têtes regardant toutes vers le même soleil : celui du pouvoir, celui de l’argent. Ses rues et ses maisons résistent difficilement au champignon coriace de la corruption. Une gigantesque manipulation cherche à les écraser sous l’impact de bombes, à les faire disparaître sous une épaisse couche de fumée. Ici, un foyer de résistance. Là, les grondements d’une révolte qui s’annonce violente. Les habitants ne sont pas tous prêts à s’en laisser conter.

 2011. Un meurtre est commis. Les coupables ont semé de faux indices pour détourner l’enquête et se cachent sous un déguisement taillé sur mesure pour passer inaperçus. L’enquête est confiée à  une équipe d’hommes qui ne manquent pas de perspicacité et de courage. Le chemin est périlleux pour ceux qui cherchent le visage de la vérité derrière le masque opaque du mensonge. Les guet-apens récurrents obligent parfois à des alliances peu ordinaires. Ils travaillent avec acharnement et prudence, grattent la surface des choses, étudient les manières et le langage de ceux qu’ils suspectent, entrent dans leur intimité, fouillent leurs carnets d’adresses. Les amis de nos ennemis sont souvent… Ils savent que leur cible est d’importance et que la poursuivre est risquée, mais ils continuent à défaire un à un les nœuds qui se présentent à eux. Pourtant, quand le dénouement se présente enfin et qu’ils ont entre les mains la preuve de la culpabilité de ceux qu’ils ont poursuivis, ils se laissent soudain bercer par la flatterie et quelques promesses de ces manitous de la manipulation et choisissent de se taire. Tout laisse à penser que la résistance est étouffée et que le pays est à nouveau sous contrôle.

Ainsi, vous, lecteurs de ma chronique, avez sans doute cru jusqu’ici qu’il était question de l’intrigue de L’homme de Kaboul. Et bien non, le meurtre, l’attentat dont je vous parle sera commis le 13 mars 2011 et le pays qui sera touché porte le nom de Littérature.

Au commande de cette violente attaque : les Editions Laffont, qui affichent une nouvelle fois - à nos dépens - leur goût douteux pour les discours populistes. Elles montrent aussi que leur souci est de bien vendre avant que de bien fabriquer, en confiant la communication à Canalblog et les opérations de terrain au président de cette plateforme qui n’est autre que Cédric Bannel. On reconnaît au CV de celui-ci les atouts d’un espion formé à bonne école : ENA pour l’éloquence, Renault et Latour Capital pour le sujet du bouquin, Alain Madelin pour le côté pas-froid-aux-yeux. Un Judas des temps modernes dissimulé sous les traits d’un Joseph qui n’a pas hésité à concevoir, au mépris de notre intelligence et de notre sens esthétique, un médiocre produit commercial inscrit dans la lignée de ces romans imposteurs où la recette prétend remplacer le génie. Preuve que la manœuvre est grossière - et grave néanmoins - : la fiction, qui est parasitée par un exotisme tapageur et outrancier et prétexte à jeter le venin d’une propagande ultralibérale à l’Occidentale. Il est clair que ce n’est pas avec L’homme de Kaboul que lui et ses compères s’offriront une place au panthéon de la Littérature. Les quelques honneurs récoltés viennent de lecteurs et d’auteurs de blogs désavoués, des Karzaï et des Mollah Bakir, des faux-amis de la Littérature prêts à trahir leur précieuse patrie pour un coup d’éclairage sur leurs petites productions. C’est dire s’ils sont dérisoires. Pour mesurer l’impact de l’agression il suffit de voir combien d’Oussama Kandar et de Nick Snee ont choisi de se taire ou de ne pas trop insister, délaissant au moment de l’écriture de la chronique le courage qui avait guidé leur lecture.

Apparemment donc, je suis le dernier Taliban en terre littéraire. De la race de ceux qui ne s’en laisseront définitivement pas conter et qui ne garderont pas leur colère pour eux. De ceux qui répondent à l’hybris des gens de pouvoir par l’hybris des grands idéalistes. Ainsi, comme il ne reste que moi pour rappeler les grands principes de mon pays, je ne vais pas me gêner : il s’agit d’être honnête dans son intention et délicat dans l’action.

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