L’homme de Kaboul – «Polar engagé»
Ce Polar pour une fois ne prend pas comme héro un Occidental qui déjoue les desseins des ennemis de la civilisation mais un humble Afghan, un policier consciencieux qui prend ses enquêtes au sérieux même au risque de déplaire aux « Pouvoirs » à savoir le gouvernement en place à Kaboul et les forces de coalition. C’est Oussama Kandar, le chef de la Brigande Criminelle de Kaboul. La vie d’Oussama Kandar est parcourue de l’histoire récente de l’Afghanistan. Il avait suivi un stage de perfectionnement comme jeune inspecteur à Moscou peu avant la période d’occupation soviétique avant de faire partie des Moudjahidines sous l’occupation soviétique. Pendant le règne des Talibans il est tireur d’élite dans les forces d’Ahmed Shah Massoud. Outre le dari, il parle couramment l’anglais et un peu de turc en plus de russe. Même s’il est connu pour sa piété il demeure une cible pour les Talibans. Il habite une maison modeste en brique et torchis, avec un toit plat, comme on en trouve dans tous les quartiers populaires des villes afghans: Sa femme, Malalai Kandar, est gynécologue. Indépendante, féministe et libre d’esprit. Elle avait effectué l’essentiel de ses études de médicine à Bakou, du temps de l’Union Soviétique. Elle supporte tant bien que mal l’ordre moral afghan, sa tache rendue plus facile par le fait que tous les patients sont des femmes. Malgré trente ans de mariage et deux enfants adultes, le couple affiche une solidité aussi parfaite qu’au premier jour. Oussama n’a jamais trompé sa femme, ni songé à en prendre une plus jeune.
L’histoire se déroule en grande partie à Kaboul sur fond d’un pays occupé par les forces de coalition dont en premier lieu les américains qui soutiennent le régime corrompu de Karzai. Des officines soutenues par les forces américaines, telle que "Blackwater", mercenaires utilisés par la coalition dans les missions sensibles, se croient tout permis. S’y ajoute le fait qu’en proie à l’impopularité croissante le régime Karzai joue un jeu dangereux. Sous couvert de réconciliation nationale avec les ex-talibans, il ouvre sournoisement l’appareil d’état à leur influence, préparant de facto leur retour au pouvoir, sous une forme plus ou moins déguisé.
Un homme d’affaires, Wali Wadi, est « suicidé » à Kaboul. C’est Oussama Kandar, en tant que le Chef de la Brigade Criminelle, qui mène l’enquête. Wali Wadi était un intermédiaire, connu pour divers trafics en lien avec les autorités d’occupation. Il « gérait » les responsables publics locaux pour acheter leur silence pour le compte de «Willard Consulting » basée en Suisse qui assure des fournitures pour l’Iraq et l’Afghanistan dans le cadre de l’occupation par les forces de coalition. Ces fournitures donnent lieu aux détournements massifs de fonds : Faux certificats de bonne fin pour des usines ou des bâtiments imaginaires, commandes gonflées de carburant, d’eau potable et de toute sorte de produits de première nécessité, commandes d’armes fantômes destinées à des régiments imaginaires. Mandrake, directeur financier chez Willard Consulting, qui était en relation avec Wali Wadi et Ahmed Ben Gazi, qui assure la même mission en Irak pour Willard Consulting que Wali Wadi en Afghanistan, s’empare de documents prouvant la corruption qui sous-tend ces fournitures et entend faire éclater la vérité. Il veut dénoncer ces gangsters policés, qui ont fait de grandes études, qui portent costumes de marque et cravate de prix, mais des gangsters tout de même. Wali Wadi et Ahmed Ben Gazi sont assassines dans un intervalle de quelques jours. Mandrake réunit toutes les preuves de corruption dans un rapport qui détaille la méthodologie utilisée pour les détournements de fonds , y joint les extraits de comptes bancaires aux iles Caïmans, aux Bahamas, a Hong Kong, et bien sur en Suisse. Il quitte son travail et est en cavale pour échapper aux poursuivants de l’Entité commandités par Willard Consulting.. Qu’est que l’Entité ? Elle est basée à Berne sous forme d’une structure très discrète de missions secrètes pour le compte exclusive de quelques gouvernements et grandes entreprises multinationales. Elle s’abrite derrière de multiples paravents qui en constituent les visages officiels, entreprises, associations à but non lucratif ou instituts aux noms évocateurs. Une vingtaine d’hommes appelés les »K » constituent les troupes de choc de l’Entité. Ils vivent dans un secret encore plus absolu que le reste de l’équipe.
Nick est un analyste chez l’Entité. Sa curiosité sur la vraie nature de l’Entité est éveillée pendant la traque de Mandrake. Il décide de couper les ponts avec cet organisme. Il décide qu’il ne pourrait jamais faire confiance à des hommes aussi cyniques et cruels. Il a envie de les arrêter dans leur folie. Il a envie de les détruire. Il découvre que l’Entité essaie de liquider Oussama Kandar car il poursuit l’enquête sur le « suicide » de Wali Wadi très consciencieusement et est parvenu à dépister Dortmund, l’agent de l’Entité qui avait tué Wali Wadi. Oussama Kandar échappe à toutes les tentatives de le tuer autant grâce a son réseau de contacts qu’a la chance.
Nick s’évade de l’emprise de l’Entité et décide de rejoindre Oussama Kandar à Kaboul afin de lui dire la vérité. Apres un long périple qui l’amène de Suisse en Italie, ensuite à Dubaï et à travers le Pakistan à Kaboul en Afghanistan, il se présente chez Oussama alors que celui-ci est sur le point de s’enfuir pour échapper aux hommes que les autorités à Kaboul ont lancés à ses trousses. Entre autres il est aidé par un dirigeant Taliban planqué à Kaboul : Mollah Bakir, que Oussama Kandar découvre, est un révolutionnaire, un nationaliste croyant, plus qu’un islamiste.
Au fil de cavales rocambolesques, et d’histoires crapuleuses ce Polar « engagé » nous apprend beaucoup de choses sur la guerre en Afghanistan qui se révèle comme une guerre sans principes qui ne fait que prolonger le calvaire d’un peuple meurtri dont l’âme se trouve niée par plus de trente ans de guerres : occupation soviétique, brutalités sous le règne de Talibans et actuellement la prétendue guerre contre le « Terrorisme ».