Par Ferdie l'Oursonne
Cher Cédric,
Tout d'abord, j'espère que vous ne m'en voudrez pas si je vous appelle Cédric. On ne se connait pas mais après tout, on a approximativement le même âge (si j'en crois votre bio), et sur le Net il paraît qu'on peut être moins formel. Allez, on se tutoie, alors ? Nan, je plaisante.
Cher Cédric, donc. J'ai appris votre existence il y a moins d'un an : à la recherche d'un peu de lecture au rayon Thrillers, je suis tombée nez à nez avec votre premier roman, intitulé Le Huitième Fléau. Une histoire d'espionnage plutôt rigolote (une façon très personnelle de qualifier une histoire qui m'a plu, même si le terme n'est pas forcément des plus adaptés en l'occurrence) sur fond de maladie de Creutzfeld-Jakob (plus connue de nos services sous le doux surnom de "maladie de la vache folle"). Forcément, avec la MCJ (à ne pas confondre avec la MJC), le prion, un ancien de la CIA, un prix Nobel, j'en passe et des meilleures, comment aurais-je pu résister ? J'ai dévoré ce bouquin. Je n'en garde pas un souvenir impérissable - en la matière, difficile de lutter avec Robert Ludlum et sa série Covert-One, même s'il n'en a pas écrit tous les épisodes - mais là, on s'éloigne de nos moutons (ah non, de nos vaches). Mais de mémoire, l'histoire était plutôt bien ficelée, le style plutôt pas mal, bref une lecture plaisante.
Quelques mois plus tard, je tombe sur votre deuxième roman : "La Menace Mercure". Un terroriste menace Manhattan, un lieutenant de police tente de l'arrêter. Pas très original, sauf que le lieutenant en question cumule trois handicaps majeurs dans ce genre de situation : c'est une femme, arabe, défigurée dans un accident de voiture. Autre particularité : dans ce roman, paru en 2000, vous imaginiez un attentat aérien contre New York - zaviez un tuyau ou bien ? Peut-être pas, vu que, chez vous, il ne s'agissait pas de balancer des avions dans des gratte-ciels, mais de faire tomber des satellites sur Manhattan. Tout aussi flippant comme idée, je dirais, non ? Encore une fois, une lecture très prenante, encore mieux fichue que la première. Histoire de critiquer, je dirais bien qu'à certains moment, votre héroïne avait des réactions ou des pensées bien peu crédibles pour une femme, même très garçon manquée. Mais bien peu de choses, et je n'ai pas pu lâcher le livre avant la 343ème et dernière page. Scotchée qu'elle était, l'Oursonne. Et pourtant, en matière de thrillers, je suis plutôt difficile et quelques uns de vos confrères français ont déjà chuté de ma bibliothèque.
Alors forcément, quand Canalblog nous a proposé de découvrir votre dernier ouvrage en avant-première, j'ai foncé sur mon clavier pour m'inscrire. Et quelques jours plus tard, je me retrouvais déchirant fébrilement une enveloppe kraft pour en sortir ce roman au format même pas définitif : "L'Homme de Kaboul".
Je ne vais pas vous faire l'insulte de vous balancer le résumé de 4ème de couv, d'abord parce que, comme l'édition que j'ai n'est pas définitive, le résumé n'apparaît pas dessus. Aussi parce que, vu que vous avez écrit ce bouquin, vous devez déjà connaître l'histoire. Mébon, pour tous ceux qui lisent cette lettre ouverte, on va quand même rappeler ce que dit le site dédié à votre livre :
Quand Oussama Kandar, chef de la brigade criminelle de Kaboul, ancien héros de guerre contre les Russes et les talibans, découvre le cadavre de Wali Wadi, il n’imagine pas déclencher l’une de ces séries de minuscules événements qui se terminent en raz de marée. D'après Oussama, l’homme qui gît au milieu de son magnifique salon, une balle dans la tête, ne peut en aucun cas s’être suicidé, comme l’affirme le ministre de la Sécurité. Profondément intègre, opposé à la corruption qui gangrène son pays, Oussama croit en la justice. Par fidélité à ses principes, il refuse de classer l’affaire. Au contraire, en compagnie de ses fidèles adjoints, il s’acharne à remonter les pistes, à exhumer les vérités travesties. Dès lors, il est l’homme à abattre. Une aide inespérée lui vient d’un étrange personnage, Mollah Bakir, un taliban sorti d’Oxford sans doute plus dangereux qu’il n’en a l’air.
À l’autre bout du monde, en Suisse, le jeune Nick, analyste dans les services secrets, est lancé sur la piste d’un fugitif, dirigeant d’une entreprise très opaque aux ramifications internationales. L’homme s’est volatilisé avec un rapport secret qui paraît affoler plusieurs gouvernements. Quand il comprend que son organisation assassine des innocents dans sa quête désespérée pour retrouver le fugitif, Nick se révolte. Il découvre les sanglantes tentatives d’élimination dont a été victime, à Kaboul, un certain commissaire Oussama Kandar.
On va s'arrêter là : le reste du synopsis en révèle un peu trop sur l'histoire à mon goût (pour les curieux qui veulent la suite, allez la voir là - mais je vous aurais prévenus).
Comme les deux livres mentionnés précédemment, ce roman est hautement addictif : une fois entrée dans l'histoire, plus possible de le lâcher ou de lire autre chose. Déjà, choisir l'Afghanistan comme principal lieu de l'intrigue fait que tout autre lieu paraît fadasse. Dire que votre connaissance de ce pays est plus que précise serait très prétentieux - et idiot ! - de ma part : vous auriez tout aussi bien pu décrire les plaines de Mars et prétendre qu'il s'agissait des îles Kerguelen, et je vous aurais cru de la même façon. Vous êtes allé sur place, me direz-vous (et vos photos sur le site du livre le prouvent de façon éclatante), donc si cela sonne vrai, c'est parce que vous l'avez réellement vu et vécu. Hé bien c'est totalement gagné de ce côté-là : on est à Kaboul avec les protagonistes et à aucun moment on ne remet ces éléments en cause. Evidemment, parfois, on est choqué, révulsé même par certains détails un peu trop crus, voire gore (gros plans sur les restes de victimes d'explosion…), ou par des coutumes qui paraissent barbares à nos yeux d'Occidentaux bien paisibles (exemple le traitement infligé à certains personnages féminins, passage lu, ô ironie, le 8 mars, journée de la Femme…).
Un autre bon point niveau crédibilité, l'utilisation en léger saupoudrage de la langue locale (dari, si j'ai bien retenu ?). Mais ces passages ou mots ne sont pas traduits et si on arrive globalement à les comprendre avec le contexte, j'aurais bien apprécié un petit sous-titrage, parfois… Et puis l'Afghanistan est loin d'être un pays homogène en matière de population : entre Pachtounes, Hazaras, Tadjiks, Baloutches, Nouristanis… j'ai du mal à suivre. Vous allez me dire que vous avez inclus une bibliographie pour ceux qui souhaitent s'investir davantage et mieux saisir tous les enjeux : c'est vrai, mais mon côté impatient (et fainéant ,avouons-le) aurait beaucoup apprécié une annexe donnant rapidement quelques éléments pour faciliter la compréhension.
Ah oui ! Pendant que je laisse libre cours à mon côté hautement râleur, un point de détail : une cession, c'est un terme juridique désignant le transfert de propriété. Quand il s'agit de travailler sur un ordinateur, on ouvre une session. C'est idiot, mais cette coquille répétée m'a fait sursauter à plusieurs reprises, tellement une faute aussi basique me choquait en comparaison de la qualité du texte.
Mais revenons à L'Homme de Kaboul. L'histoire est passionnante, émouvante parfois. Vos personnages sont attachants, crédibles : Nick Snee le Suisse a des airs de Robert Redford dans Les trois jours du Condor - l'analyste embarqué malgré lui dans une aventure qui le dépasse mais qu'il mènera jusqu'au bout ; Oussama, le policier afghan, intègre, courageux, fidèle à ses valeurs et à sa religion - ce qui lui sauvera la vie à plusieurs reprises (vous avez d'ailleurs un peu trop souvent fait appel à cet artifice à mon goût, mébon…) est hautement humain ; on tremble pour lui, on espère avec lui, l'identification joue à fond, ce qui est tout de même paradoxal entre une Occidentale plutôt tranquille et un Afghan, ancien héros de la guerre contre l'Union Soviétique et de la lutte contre les Talibans, qui dort avec une Kalachnikov et des grenades près de son lit…
En résumé, bah oui, j'ai beau râler, L'Homme de Kaboul m'a emballée. J'ai adoré votre style, très fluide, accrocheur, très page-turner comme disent les Anglo-saxons, maîtres du genre. Impossible de lâcher ce livre avant la fin - j'ai failli rater ma station de métro à plusieurs reprises, ça m'apprendra à lire dans les transports en commun !
Cher Cédric, donc, merci de tout cœur : vous m'avez fait passer un excellent moment de lecture. J'attends avec impatience votre prochain roman, en espérant que vous ne nous ferez pas languir à nouveau plusieurs années avant de l'écrire.
Thrillerement vôtre,