Chroniques Afghanes

Par Michel

Dans les locaux de la police de Kaboul, Oussama chef de la brigade criminelle, interroge un individu accusé d'homicide. Celui-ci ne fait aucune difficulté pour reconnaître avoir abattu un homme ainsi qu'une partie de sa famille. La cause : un différent commercial! En cette période troublée, la police essaie, malgré tout, de faire respecter la loi. Si les attentats font de nombreuses victimes, les meurtres d'honneur représentent la seconde cause de mort violente en Afghanistan. Le policier, ancien combattant, respecté et croyant, il a fait le pèlerinage de La Mecque, a obtenu sans difficulté aucune les aveux du suspect, mais il n'admet toujours pas cette pratique considérée comme "traditionnelle" et "normale" par nombre de ses concitoyens. Alors qu'il s'apprête à céder sa place à un de ses collaborateurs afin qu'il finisse la procédure survient un policier, lui annonçant que le ministre de la sécurité en personne est en train de se rendre sur les lieux d'un suicide. Il n'en faut pas plus pour que toutes affaires cessantes, il se rende lui aussi sur les lieux. Fonctionnaire intègre il croit en sa mission et fait tout ce qui est en son pouvoir pour la mener à bien. Ce n'est pas le cas du ministre son supérieur hiérarchique, « un pachtoun corrompu et stupide qu'il méprise et dont il se méfie » et avec lequel il a des relations quelque peu compliquées!... La précipitation avec laquelle ce dernier se rend sur les lieux lui paraît suspecte. La thèse du suicide à laquelle veut conclure rapidement Kan Durami, au vu des premiers indices, lui parait peu crédible. Il veut en avoir le cœur net .. La victime est un trafiquant notoire, qui a toujours su s’accommoder des différents pouvoirs en place, il va devoir faire preuve d'astuce et de persévérance pour mener à bien une enquête que beaucoup vont s'acharner à contrecarrer.

En Suisse, dans les bureaux d'une officine de renseignements privée, Nick jeune et brillant analyste, localise assez rapidement la trace d'un important directeur financier, disparu sans laisser d'adresse. Contrevenant aux instructions des ses chefs, considérant sa mission inachevée,il se rend sur le terrain, accompagné d'un ami, pour arrêter le fuyard et le remettre en main propre à son patron, un ancien militaire qui dirige l'Entité. L'opération se passe mal, le commando chargé par le général de récupérer le fuyard tue par erreur son compagnon mais surtout laisse échapper le fugitif. Le mystère qui entoure la disparition de Léonard va pousser Nick à poursuivre seul son enquête enfreignant les ordres de sa direction.  

Ces deux personnages vont avoir des parcours qui ne manqueront pas, bien évidemment, de se croiser. ….

L'intrigue est classique, bien construite, le style agréable. Mais ce qui fait à mon sens le véritable intérêt du livre c'est le sujet à savoir l'Afghanistan aujourd'hui. Les questions que l'on se pose à son sujet sont nombreuses.  Cédric Bannel apporte quelques éléments de réponse mais surtout suggère des axes de réflexion. La précision avec laquelle sont décrits les événements, les jeux de pouvoir, les relations entre les individus, les différents groupes, conduisent inévitablement le lecteur à s'interroger sur la façon dont l'auteur a pu rassembler une telle documentation, obtenir des confidences, saisir les spécificités de la société afghane...Quelles ont été ses marges de manœuvre dans un pays où, comme il le montre fort bien, tout le monde surveille tout le monde et tout se sait?

On découvre la vie dans Kaboul, dans les montagnes, le risque d'attentat toujours présent, les problèmes de la vie quotidienne, les relations complexes et ambiguës entre les différentes composantes de la société afghane, l'influence encore perceptible de la présence des soviétiques, la mission de la « coalition », le rôle des milices privées, une société à plusieurs vitesses, les arrangements petits ou grands avec la légalité, les jeux de pouvoirs, les retournements d'alliances, le poids de la culture clanique et de la tradition.

Où s'arrête la réalité, où commence le roman? La question mérite d'être posée. Il est probable que certains lecteurs, ne manqueront pas de faire le lien avec certains épisodes de  "Rendez-vous avec X", de Patrick Pesnot sur France Inter. Plusieurs sujets traités dans le livre ont été abordés ici,  là  ou encore là.  Il y en a probablement d'autres si l'on cherche un peu dans les archives de l'émission

L'homme de Kaboul est un bon roman policier, conventionnel, une façon originale de partir à la découverte de l'Afghanistan d'aujourd'hui.