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L'homme de Kaboul
4 mars 2011

La manipulation d’un commissaire

Par Jacques Paradoms

Quel lien existe-t-il entre le suicide d’un trafiquant à Kaboul – où les gens n’ont nul besoin de se suicider pour mourir prématurément –  et la disparition d’un riche directeur financier à Lausanne ? 

Kaboul, de nos jours.  Oussama Kandar, commandant en chef de la brigade criminelle est informé, par un jeune planton qu’il ne connaît pas, d’un suicide.  Le ministre de la sécurité est déjà sur place.  Devant la maison, parmi des hommes armés, Oussama remarque « deux Occidentaux bardés d’armes, en treillis noir, avec équipement de transmission et oreillette. »  (p.13)  Ce sont les attributs habituels des mercenaires utilisés par la Coalition pour les missions sensibles.  Derrière les murs discrets, il découvre, au lieu des habituelles ruines, une splendide demeure.  La victime est un petit trafiquant, Wali Wadi.  La venue d’Oussama contrarie le ministre qui lui suggère de ne pas mener d’enquête.  C’est mal connaître Oussama qui ne croit pas au suicide : « Ceux qui parvenaient à échapper aux attentats, aux gangs, aux règlements de comptes, aux crimes familiaux et aux fatwas lancées par les talibans étaient assez peu portés sur le suicide. »  (p.10)

À Berne, une structure très discrète travaille pour quelques gouvernements et grandes entreprises, abritée derrière de multiples paravents aux nombreuses filiales étrangères.  La structure elle-même n’a pas de nom, on l’appelle simplement « l’Entité ».  Nick Snee y travaille comme analyste.  Pour l’instant, sa mission prioritaire est de retrouver la trace du directeur financier de Willard Consulting, un groupe de lobbying de Lausanne.  Un indicateur téléphone à son partenaire, un ancien policier, pour lui signaler sa cache : un squat de drogués.  Drôle de planque pour un gars plein aux as qui pourrait utiliser d’autres filières.  Aussitôt, ils préviennent « le général ».  « Le général était le fondateur de l’Entité.  Il parlait anglais, français, allemand et russe sans accent, personne ne connaissait sa véritable identité, ni ne savait exactement de quelle nationalité il était. » (p.21)  Celui-ci ne leur propose pas d’intervenir eux-mêmes mais envoie une équipe de K.  « Les K étaient les troupes de choc de l’Entité.  Une vingtaine d’hommes qui vivaient dans un secret encore plus absolu que le reste de l’équipe.  Nick en avait aperçu quelques-uns au siège, au hasard des missions, il avait aussi entendu des dizaines d’histoires sur les exploits insensés qu’ils étaient censés avoir réalisés.  Si elles étaient vraies, ces hommes méritaient le respect.  Ils étaient dirigés par Joseph, le numéro deux de l’Entité, un homme taciturne qui exhalait une aura de mystère et de danger. » (p.22)

Malgré tout, ils décident de se rendre sur place.  Dès la banlieue, l’environnement urbain se dégrade, plus semblable à Beyrouth qu’à Zürich.  Après avoir trouvé l’usine désaffectée depuis deux ans, ils attendent l’arrivée des K.  Au bout d’une heure, ne voyant rien venir, ils pénètrent dans le bâtiment.  Alors qu’ils y errent, une femme à la silhouette décharnée, le crâne couvert de croûtes, « une vision sortie d’une film d’épouvante » (p.26), leur indique l’endroit où elle a vu le fugitif.  En entrouvrant une porte, ils découvrent au bout d’un couloir deux hommes en armes : ceux qui doivent garder le stock de drogue.  Au même moment, ils aperçoivent les points rouges de pointeurs laser.  Ce sont les K qui commencent à tirer sans sommation.  Le partenaire de Nick est tué.  Une bavure sans importance : « La capture du fugitif est une priorité d’État, elle prime sur toute autre considération » (p.28).  En se dirigeant vers la sortie, Nick découvre la cachette du fugitif, détectable aux objets abandonnés, trop luxueux pour appartenir à des junkies.  Son regard accroche une pochette de CD portant une série d’initiales et la mention « Dossier Mandrake ».

De retour au bureau, lorsqu’il évoque ce dossier devant le général, celui-ci manque de s’étrangler : Nick n’avait pas à connaître l’existence de ce dossier classifié ; son nom même est secret.  Nick est devenu un élément dangereux pour l’Entité et, partant, se retrouve lui-même en danger.


L’auteur entraîne le lecteur sur cette double enquête : alors qu’à Kaboul, tout se ligue contre Oussama Kandar pour l’empêcher de retrouver l’assassin du trafiquant, en Suisse, Nick recherche toujours le directeur financier et des renseignements sur le dossier Mandrake, tandis que lui-même est poursuivi par les hommes de l’entité dirigés par le sinistre Joseph.

Si l’intrigue, embrouillée à souhait, est passionnante, le lecteur découvre surtout des univers pleins de contradictions, pas seulement en Afghanistan mais à l’intérieur des individus et même en Occident où, la soi-disant défense de la démocratie justifie les méthodes mafieuses.  Sans oublier la manipulation, surprise finale de l’intrigue.  Mais je n’en dirai pas plus.

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