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L'homme de Kaboul
1 mars 2011

L’occasion, le mobile, le moyen

Par Caro_carito

 Leitmotiv qui scande les lectures de tout amateur de polar. J’ai plongé dans la marmite des enquêtes tous azimuts depuis la collection rose, verte, les thés empoisonnés d’Agatha, le scalpel de Ruth Rendell, les atmosphères poisseuses du Poulpe et de Fred Vargas pour définitivement m’exiler en terres étrangères. J’y côtoie le charme de Myron Bolitar ou plutôt celui de Win Horne Lockwood III et l’humour décalé de Kinsey Millhone de Sue Grafton. J’attends avec impatience chaque apparition de l’inspecteur Harry Bosch sans mentionner mes virées à Vienne, en Ecosse, Irlande, en Scandinavie et surtout en Angleterre. Je suis inconsolable depuis que Wallander et Erik Winter ont signé leur retraite, que Colin Dexter a fait passer ad patrès l’inspecteur Morse et que les prochaines enquêtes de Verity Birdwood ou Tessa Vance sont suspendues à la plume muette de Jennifer Rowe.

Alors évidemment quand un éditeur m’a contactée parmi une flopée d’autres bloggers pour écrire un billet sur un roman policier à paraître, je me suis dit « Pourquoi pas ? ». Un livre gratuit se refuse rarement, ajouté au vague espoir d’être pêchée au sort pour cinq titres gratuits en sus et l'occasion de découvrir un auteur totalement inconnu…

J’ai donc mis en parenthèse la lecture du dernier Brunetti sorti en poche et terminé ma ballade en Irlande aux côtés de Charlotte Pitt pour démarrer la lecture de l’homme de Kaboul.

J’avoue que la lecture des premières pages m’a inquiétée. Habituée aux brumeuses proses nordiques, j’ai eu l’impression de renouer avec les Sulitzer de ma jeunesse quand les requins de la finance balbutiaient encore. A l’époque, le MATIF venait d’être créé et nous montions un club de bourse avec la BNP pendant notre année de terminale. Je confesse aussi que la Suisse n’est pas ma destination rêvée. J’errais donc pendant quelques chapitres dans des couloirs ultramodernes en compagnie de barbouzes qui n’auraient pas déparé dans un bon SAS, le sexe en moins. Une plongée dans les milieux interlopes et crasseux genevois. Une curiosité ça. Alors la Suisse aussi… Je jetais alors un coup d’œil désespéré aux pages (nombreuses) qui me restaient à découvrir. Si les descriptions continuaient sur cette lancée poussive, la traversée allait être difficile.

Heureusement Kaboul ! Et son héros… Oussama Kandar. Une trouvaille, rien que le prénom ! Son passé de guerrier moudjahidin. L’ambiance de la capitale afghane. Les seconds couteaux. Les petits détails qui dressent un tableau bien vivant des rues, des maisons, l’arome d’un thé ou d‘un café noir, mais aussi la peur, l’incertitude, la pauvreté dans ce présent tourmenté. Une réalité dure, cruelle qui s’immisce dans notre quotidien douillet. Pari gagné donc, au bout de la première centaine de pages, l’envie de « savoir » » était là… ainsi que celle de découvrir un petit peu plus ce pays, son histoire, ses habitants... De dépasser la seule vision des attentats suicides qui parviennent sur nos petits écrans, avec la toque d’un président et le commerce de l’opium.

Le style ; même si on est loin d’un Simenon ou d’une P.D. James, voire de l’efficacité d’une Elisabeth George dans ses grands opus, est suffisamment agréable pour ne pas entraver le déroulement de l’histoire. Je me suis singulièrement attaché au personnage principal, ses questionnements d’honnête homme dans un monde mouvant, sa candeur, sa foi malmenée, ses relations de couple, de travail. Le déroulement classique de l’intrigue, sans retournement de situation magistral, est suffisamment bien amené pour avoir envie de poursuivre jusqu’au bout.

Quelques réserves toutefois. La partie suisse et son héros paraissent bien fades en regard des aventures afghanes. Ce Nick, trop lisse, trop jeune, à peine crédible dans ses motivations, un passé d’une épaisseur d’un sandwich SNCF pour reprendre l’expression de Renaud. Peut-être, des apartés en italique auraient évité ce déséquilibre qui m’a fait parcourir ses pages à toute vitesse. Le fond de l’intrigue me semble légèrement outré : un complot, plausible certes, mais de bien grosses ficelles surtout vers la fin. Tout ça pour un petit CD, dans un monde si high-tech ? Des invraisemblances, comme le passeport que l’on va chercher dans un pays dangereux alors qu’un faux pouvait si facilement être fabriqué. Et le dénouement… Sans doute suis-je habituée aux policiers où même les gentils meurent. Désolée, mais pas de justice ni de happy dans le style noir. On récupère les héros au fond d’un bar, d’ailleurs je crois que dans quelques semaines, je retrouverai Jo Nesbo le nez dans son whisky. Le « tout est bien qui finit plutôt bien » a un goût de blockbuster hollywoodien.

N’empêche, je conseillerai ce livre à tous les amateurs du genre. La découverte de l’Afghanistan est passionnante et il comporte ce qui, à mes yeux, est la clef de tout roman policier : un héros que l’on n’a pas envie de quitter. Je signerai à nouveau pour une enquête de Oussama Kandar et de ses sbires, même circonscrite à Kaboul. Je crois même que je la découvrirais avec plus de plaisir une intrigue locale plutôt qu’un vague complot international. Tous mes remerciements donc à Robert Laffont, l’initiative était très sympathique, le voyage en lecture réussie, et idem à l’auteur pour le travail fouillé et documenté, pour un réel travail sur le polar afin de ne pas juste en faire une trame facile pour s'étendre sur un sujet qui lui tient à cœur. Avec une mention pour tous ses personnages qui fourmillent dans une Kaboul que l’on aimerait pacifiée pour, pourquoi pas, la visiter.

 

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