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L'homme de Kaboul
24 février 2011

Alerte rouge pour la croix blanche

Par les Zefaquiens

Prenez un lecteur féru des auteurs classiques, ne jurant que par Balzac, Dostoievsky, Thackeray... Suivez ce même lecteur entre les rayonnages d'une librairie, et vous passerez sans vous arrêtez, sans même un coup d'oeil, devant la multitude de thrillers et de romans d'espionnage dont nombre de ses pairs sont friands. Mais pas lui. Proposez-lui maintenant une lecture de 'L'homme de Kaboul". Le titre n'évoque pas vraiment un classique, mais il ne peut résister à sa tendance librivore. Il ouvre le roman, le feuillette rapidement, comme à son habitude. Le jauge. En vole quelques lignes. Puis commence sa lecture. Il se plonge dans le premier chapitre. Puis le deuxième. Le troisième se trouve vite absorbé. Le roman devient son principal compagnon durant quelques jours.

Mais qu’a-t-il bien pu se passer?

Le roman de Cédric Bannel ne se distingue pas à première vue par son originalité; les classiques du roman d’espionnage structurent l’intrigue : un dossier secret, la toute puissance occidentale en lutte contre les “méchants” du Moyen-Orient. Soit. Le schema narratif est simple, ce qui est loin d’être un défaut. Le chemin est suffisamment tortueux pour happer le lecteur dans ses meandres, sans pour autant le perdre.

Oussama, le chef de la police criminelle de Kaboul, se trouve bien malgré lui embarqué dans une affaire qui le dépasse, qui dépasse les frontières de son pays, l’Afghanistan, et qui outrepasse les lois. Son personnage n’est pas manichéen. Il n’est pas le “gentil” de l’histoire. Sa principale qualité – et sa faiblesse- est son intégrité et son amour pour sa femme. Mais il a tué des hommes, ferme les yeux sur les methodes d’interrogatoire musclées qui ont lieu dans son commissariat, et tient parfois des propos rétrogrades sur la condition de la femme afghane. C’est un personnage de roman “humain”, réaliste pourrait-on dire, et par là même attachant. Les personnages qui croisent sa route – de façon plus ou moins amicale d’ailleurs – sont du même accabit. Et c’est très certainement ce qui fait de ce roman un très bon thriller d’espionnage: la simplicité d’une intrigue efficace et une construction complexe des personnages, en demi-teintes. Le mollah Bakir, chef de file des talibans modérés, aide Oussama dans son enquête, parce qu’il veut revenir au pouvoir mais aussi parce qu’il pense que la quête de vérité du policier est juste. Les collègues d’Oussama, malgré leur intégrité et leur dévotion à leur métier, ne peuvent résister à une culture ancestrale dans laquelle les hommes achètent les femmes comme du bétail. L’image de l’OTAN, des pays occidentaux sauveurs des Afghans se trouve entachée. La ville même de Zurich laisse paraître de sombres quartiers peu fréquentables, loin des idées reçues.

Cédric Bannel mêle habilement fiction et réalité économique et géopolitique dans ce roman que l’on ne quitte qu’avec regret. 

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